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Accord collectif : précisions sur l’action en justice du syndicat pour demander son application

Par Service juridique-CFDT

Par un arrêt récent, publié au bulletin, la Cour de cassation a précisé pour la première fois que l’action d’une organisation syndicale en exécution d’un accord collectif de travail n’était pas subordonnée à la mise en cause de tous les signataires. Cass.soc. 15.05.24, n° 22-12.780.

Non-respect de l’accord collectif par l’employeur

Dans cette affaire, un accord collectif avait été signé par un CSE employeur et plusieurs organisations syndicales au sujet de la grille de classification et de la rémunération applicables aux salariés du comité.

Considérant que les stipulations conventionnelles relatives aux augmentations annuelles n’avaient pas été respectées, un syndicat CFDT a fait assigner le CSE devant le tribunal judiciaire. Le syndicat demandait aux juges de condamner le comité, sous astreinte, à procéder aux augmentations prévues par l’accord et à réparer le préjudice subi à la fois en sa qualité d’organisation signataire, mais aussi dans le cadre de sa défense des intérêts collectifs de la profession. Il agissait donc sur la base des deux actions en justice possibles en cas de non-respect d’un accord collectif.

Lorsqu’un syndicat constate que les clauses d’un accord collectif ne sont pas respectées, plusieurs types d’actions en justice lui sont ouvertes :
– s’il est signataire, il peut agir en son nom propre pour obtenir l’exécution des engagements contractés et, le cas échéant, des dommages et intérêts(1) ;
– il peut également, qu’il soit ou non signataire, agir en défense de l’intérêt collectif de la profession(2). En effet, l’inapplication d’une convention ou d’un accord collectif, même non étendu, cause nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession(3).

Recevabilité de l’action du syndicat en exécution de l’accord

Son action a été jugée irrecevable en appel au motif qu’il n’avait pas mis en cause la totalité des signataires de l’accord. Selon la cour d’appel, le litige avait objet de poursuivre l’exécution d’une ou plusieurs obligations prévues par l’accord d’entreprise, ce qui supposait au moins une interprétation. Aussi, pour les juges du fond, le syndicat « ne pouvait pas engager son action devant le tribunal judiciaire sans mettre en cause les autres syndicats signataires de l’accord ».

Le syndicat s’est pourvu en cassation, arguant que ni l’article L. 2262-11 du Code du travail encadrant l’action en exécution d’une convention collective ni l’article L. 2132-3 concernant l’action dans l’intérêt collectif de la profession ne prévoyaient une telle condition.

Une action non subordonnée à la mise en cause de tous les signataires

La Cour de cassation commence par rappeler que les syndicats, qu’ils soient ou non signataires d’une convention ou d’un accord collectif de travail, sont recevables à en demander l’exécution sur le fondement de l’article L. 2132-3 du Code du travail. L’inexécution d’un tel accord causant nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession.

Elle affirme ensuite, comme le soutenait le syndicat dans son moyen, qu’une telle action « n’est pas subordonnée à la mise en cause de tous les signataires de l’accord ». L’arrêt d’appel est en conséquence cassé en ce qu’il ajoutait une condition supplémentaire à la recevabilité de cette action, condition non prévue par les textes !

La chambre sociale rend son arrêt au visa des deux articles cités(4). Sa solution vaut donc pour les deux types d’action. En bref, un syndicat peut saisir le juge pour faire appliquer un accord collectif en n’assignant qu’une des parties devant le tribunal. Dans la plupart des cas, il s’agira de l’employeur.L’ensemble des organisations signataires n’ont pas à être mises dans la cause, quand bien même une interprétation de l’accord serait rendue nécessaire.

Nous saluons cette position qui a le mérite, contrairement à certaines décisions récentes de la chambre sociale, de ne pas restreindre le droit d’agir en justice des organisations syndicales.


(1) Art. L.2262-11 C.trav.

(2) Art. L2132-3 C.trav.

(3) Cass.soc. 25.03.09, n°07-44.748 ; Cass.soc. 04.06.24, n°13-15.142.

(4) Art. L. 2132-3 et L. 2262-11 C.trav.